« Placer puis former » pour répondre rapidement à l’inadéquation entre les besoins et les compétences
Malgré les 5 millions de demandeurs, malgré ce chômage chronique qui augmente, il y a chaque année 500 000 emplois non pourvus. Il y a donc un enjeu de formation, en particulier de formation professionnelle pour préparer les besoins en compétences des entreprises. Inutile sans doute de recréer des dispositifs qui existent déjà : il faut les activer au maximum, assouplir leurs règles d’application et leur donner une orientation plus locale.
A ce stade, pour orienter ces 500 000 demandeurs d’emplois vers des cycles de formation, se posent plusieurs questions : Qui décide ? Comment choisir les contenus ? Comment identifier les besoins actuels des entreprises ? Comment répondre aux besoins futurs ? Qui financera ce dispositif ?
L’expérience montre que lorsque nous raisonnons de manière macro éco, il est rare que le résultat obtenu répondre aux besoins de tous et soit efficient, tellement les réponses sont différentes suivant les territoires, les secteurs d’activités, les filières.
De surcroît, les entreprises doivent intégrer une véritable révolution où le numérique et les nouveaux comportements des consommateurs génèrent de profondes modifications dans leur chaîne de valeur et créer en permanence de nouveaux métiers.
En clair, sauf à considérer que l’objectif est uniquement de sortir 500 000 demandeurs d’emplois de la catégorie A pour les amener en catégorie D ou E, il y a fort à parier que ce type de décision sera difficile à mettre en œuvre. 500 000 en 2016, ce n’est pas réaliste et surtout très coûteux : l’évaluation est de l’ordre du milliard d’euros. Notons aussi qu’en plus du chômage structurel passé de 4 à 9% en 10 ans, chaque année en France, 700 000 personnes prennent leur retraite tandis que 850 000 entrent sur le marché du travail. En 2015, avec la croissance, cela a permis de créer entre 30 000 et 40 000 emplois. Insuffisant.
Au regard de ces constats, je propose donc une nouvelle voie pour ces 500 000 demandeurs d’emploi : arrêtons de les former avant la mise en emploi et travaillons au placement direct des demandeurs d’emplois dans les entreprises. En incitant à recruter des collaborateurs qui ne seraient pas prêts à l’emploi avec des avantages à l’embauche et à créer de nouvelles collaborations avec les organismes de formation, cela permettrait à chaque entreprise, individuellement, localement, de former ces nouveaux salariés en fonction de ses besoins. Laissons l’entreprise choisir les organismes de sa filière pour construire les programmes et les parcours qui répondent aux compétences à pourvoir, en lien avec les demandeurs d’emploi.
Les organismes de formation doivent donc s’adapter, les dispositifs et les conditions de leur accès pour les demandeurs d’emploi doivent être assouplis et simplifiés pour élaborer des solutions sur-mesure. Passons d’une approche nationale à une approche locale et il sera alors possible de trouver des sources de financement prises sur les budgets formation des entreprises, plutôt que d’orienter vers des actions inefficaces, voire obscures, la part de ces budgets gérés par l’état et les régions. Sans créer de nouveaux contrats, il faut juste optimiser les dispositifs existants et les rendre plus ouverts.
L’apprentissage, comme accès direct et généralisé à l’emploi des jeunes
Cette priorité d’emploi est de l’ordre de l’urgence chez les jeunes : 25% d’entre eux sont demandeurs d’emploi. Notre société accroît les différences sociales et cultive un terreau très fertile pour des comportements extrêmes telle la radicalisation. La désillusion, le manque de sens menacent l’équilibre de notre société, tandis que l’éducation et le travail sont deux facteurs d’intégration. Nous devons être beaucoup plus ambitieux pour nos jeunes, qui représentent l’avenir de la France !
Rappelons qu’en 2012 lors de la campagne, l’apprentissage faisait partie des mesures phares avec la promesse d’atteindre 500 000 apprentis en 2017. Après une phase ascendante, les embauches sous cette forme ont fortement baissé à cause des complexités administratives, des contraintes sur les conditions de travail et de la suppression des aides aux entreprises : on a ainsi assisté à une baisse de 8% entre 2012 et 2013. Le gouvernement a donc décidé de remettre un certain nombre d’aides en 2015 et aujourd’hui on observe une inversion de la courbe avec une augmentation de 1%. Cela est bien insuffisant par rapport à l’objectif et aux enjeux. De plus, même si l’ouverture des filières à l’enseignement supérieur a fait évoluer l’image de l’apprentissage, il n’en reste pas moins que cette voie est mal considérée.
Pour sortir de cette logique, « l’apprentissage pour tous » doit devenir le premier moyen d’accéder à l’entreprise, la première forme d’emploi pour tout jeune sur le marché du travail. Nous pourrons aller au-delà des nouveaux objectifs annoncés par le Président de la république et viser les 800 000 jeunes, à l’image de l’Allemagne ou de la Suisse. Ce projet d’apprentissage serait une vraie réponse au statut spécifique du jeune diplômé et reconnaitrait le temps de travail passé dans l’entreprise en offrant, de façon audacieuse, au plus grand nombre de jeunes un accès direct à l’emploi.
Plusieurs conditions sont nécessaires pour la mise en œuvre de ce projet d’apprentissage pour tous :
- Affirmer que le contrat est un contrat de travail et non pas une poursuite d’études ;
- Bien définir les conditions de mise en œuvre de ce contrat avec les organismes de formation et dépasser largement le cadre des CFA pour élargir les possibilités ;
- Accorder une place plus importante au temps passé en entreprise en « tutorant » les jeunes qui bénéficieraient non seulement d’un temps de transfert de compétences mais aussi d’une partie pédagogique sur l’entreprise. Le coût de l’apprenti serait apprécié différemment et considéré plus comme un investissement avec des chances augmentées d’intégration dans l’entreprise.
L’apprentissage généralisé, comme premier accès à l’emploi, constituera une solution long terme au chômage des jeunes. De plus, le contrat d’apprentissage permet aux jeunes diplômés d’avoir un avantage Coût par rapport à des candidats plus expérimentés : il est donc inutile de réinventer un autre SMIC Jeunes, qui n’a d’ailleurs jamais séduit les entreprises. Et plus les jeunes seront en contact très tôt avec le monde de l’entreprise, plus ils seront familiarisés avec l’univers du travail et leur perception sera proche de la réalité, sans le filtre des discours actuels sur le sujet.
Le cadre règlementaire doit les accompagner et être plus ouvert, simplifié et adaptable à chaque situation.
Par Samuel Tual
Président du groupe Actual
www.groupeactual.eu– Créateur de solutions pour l’emploi et les compétences
Livre, Le Travail pour tous, Editions Leduc.s, collection Alisio, mars 2015