« Entre le trait et la plume »

En publiant ce texte dans l’ouvrage « Entre le trait et la plume » coordonné par Clément Lesort et au profit de l’association « 60 000 rebonds »,  j’ose porter l’espoir, avec des chef.e.s d’entreprise et artistes du Pays de la Loire, que cette période, si cruelle soit elle, fera grandir demain, et qu’en faisant tout pour regarder devant, nous regarderons loin.

 Le pire n’est pas certain …

Nous traversons une crise sans précédent dont il est difficile de prévoir l’issue et l’étendue des conséquences. J’ai, comme beaucoup, subi ces événements que nous n’avons pas pu prévoir ni anticiper. J’ai l’intuition depuis quelques années que nous sommes arrivés à la fin d’un cycle. Les changements sont nombreux et s’accélèrent ; la société toute entière est traversée par un mouvement de fond qui laisse penser que nous allons tourner une page et écrire une nouvelle séquence de notre histoire. Après la révolution silencieuse des « 30 glorieuses » qui a conduit à une forte croissance, à une augmentation du niveau de vie, au plein emploi et à l’entrée dans la société de consommation, nous avons traversé depuis 1975 les « 30 piteuses » qui nous ont apporté crise économique et sociale, dettes, chômage de masse et plus généralement, une forme de déchéance. Depuis le début du nouveau siècle, nous sommes entrés dans une nouvelle séquence que nous pouvons qualifier des « 30 frileuses » avec ce lourd héritage à porter, un passif que nous avons du mal à absorber, et surtout le principe de précaution que nous avons sacralisé dans notre constitution en 2004.

Au moment où la tempête est arrivée en mars dernier avec ce virus et que nos dirigeants ont décidé de confiner avec la conséquence d’arrêter le pays, je n’ai pu m’empêcher d’avoir à l’esprit des références à l’apocalypse. Une séquence d’une extrême violence et brutalité (-80% de CA en 8 jours dans mon entreprise, 50% des collaborateurs payés par l’état au chômage), si ce n’est pas la fin du monde pour une entreprise, cela doit y ressembler ! Mais très vite dans l’action pour gérer l’urgence, nous avons du nous adapter. Comme souvent, en s’appuyant sur notre projet d’entreprise et dans l’échange avec les collaborateurs, nous avons su trouver des solutions pour atténuer et corriger les contraintes et injonctions qui nous étaient imposées.

Passée la situation d’urgence, des questions sur la stratégie à court et moyen terme se sont posées pour assurer la pérennité de l’entreprise. Nous avons pris la mesure de notre vulnérabilité, de notre dépendance à l’écosystème dont nous faisions partie. Forts d’une raison d’être affirmée, et de la certitude de l’utilité de nos missions, nous avons très vite eu la conviction que le maintien de notre cap était la solution. Car finalement, à cet instant, la place du travail dans la société n’a jamais été aussi importante. Privés de liberté tout d’abord, puis privés de travailler ensuite, les revendications au droit au travail des français sont apparues, cristallisant les injustices entre ceux qui bénéficient de ce droit et les autres. Reconnaissance par des applaudissements de métiers oubliés, cols bleus opposés aux cols blancs avec le télétravail, activités « essentielles » et les autres. C’est en réalité le sens du travail qui est touché et la contribution de chacun dont il est question qui doit nous conduire à une nouvelle vision inspirante du travail.

S’agissant de notre territoire, cette séquence a montré la richesse de la région Pays de la Loire. Un territoire moins touché par la première crise sanitaire qui, par sa géographie et sa sociologie, a rebondi plus vite que les autres et a fait preuve d’une plus grande capacité de résilience. Une terre d’équilibre riche de la diversité de ses territoires et de ses entreprises qui a su, par le dialogue social et par les solidarités, adapter les politiques nationales pour tenir compte des réalités locales. De façon générale, cette séquence a fait grandir chacun
d’entre nous. S’il reste difficile de prévoir l’avenir, il nous appartient de tenir compte de cette expérience pour nos entreprises et notre territoire. Respecter nos racines, agir avec ambition dans le cadre d’une vision qui associe l’économie à la santé, à l’écologie, au social, avec comme finalité le respect de l’Homme, de la planète et du bien commun.

Le pire n’est pas certain, vive demain !

 

Samuel TUAL
Président Actual Leader group
Président Medef Pays de la Loire

Editions Noctividus.
Illust. : Fraternité, Pedro Richardo.