La France est devenue le pays du chômage de masse malgré les centaines de milliards investis depuis 25 ans pour éviter cette situation. 2,6 millions de personnes étaient prisonnières de cette trappe à précarité fin 2018 contre quelques dizaines de milliers il y a une quarantaine d’années. Près de 50% des personnes inscrites au chômage sont sans emploi depuis plus d’un an. Elles sont nombreuses à ne percevoir aucune allocation chômage. 

Mais il est possible de refuser le pire et de redonner leur dignité aux hommes et aux femmes privés d’emploi depuis de nombreux mois en leur donnant un travail, expliquent Claire Hédon, présidente d’ATD Quart Monde,Didier Goubert, directeur de l’entreprise solidaire TAE et Daniel Le Guillou vice-président de l’entreprise à but d’emploi  Actypoles-Thiers, qui publient « Zéro chômeur ! Dix territoires relèvent le défi » aux éditions Quart Monde.

Mariant raisonnement économique, conseils pratiques et témoignages, Claire Hédon, Didier Goubert et Daniel Le Guillou expliquent de manière très concrète comment le projet « territoires zéro chômeur de longue durée » a permis à des femmes et des hommes privés d’emploi depuis longtemps de signer un CDI dans des «entreprises à but d’emploi » sur dix territoires qui l’expérimentent pendant 5 ans ( le Nord, le Calvados, l’Ille-et-Vilaine, les Deux-Sèvres, le Puy-de-Dôme, la Meurthe-et- Moselle, Paris, la Nièvre, le Rhône et les Bouches-du-Rhône). Fin 2018, près de 800 emplois, sans sélection à l’embauche, ont ainsi été créés pour le plus grand bénéfice des personnes concernées et de la société.
Ce projet a une double ambition sociétale et économique. Les hommes et les femmes qui travaillent, ont retrouvé leur fierté. . Ils disposent d’un pouvoir d’achat qui bénéficie aux entreprises locales. «Quelqu’un qui est au travail va pouvoir davantage réinjecter d’argent dans l’économie locale, davantage se projeter, étant en CDI, faire des achats immobiliers, de véhicule, de matériel, etc. On a une boucle vertueuse qui se met en place », explique Nicolas Cottais, entrepreneur membre du comité local de Pipriac et Saint- Ganton. Le comité local qui est essentiel à la réussite du programme, regroupe tous les acteurs mobilisés sur un territoire : les entrepreneurs, les commerçants, les acteurs publics et privés de l’emploi et de l’insertion, les associations, les habitants, les chômeurs de longue durée, l’État et les collectivités territoriales.
Le mouvement ATD Quart Monde qui travaille depuis les années 50 pour permettre aux plus démunis d’avoir un « emploi décent » et l’entrepreneur social Patrick Valentin ont dû vaincre de nombreux obstacles depuis 2011 pour réussir à obtenir le vote d’une loi d’expérimentation en 2016 qui a permis de lancer ce programme qui intéresse plus de 170 territoires.
Ce dispositif innovant « est avant tout un projet de territoire. C’est une démarche citoyenne et politique, sociale et économique. Elle ne peut se mettre en place que si tous les acteurs du territoire sont mobilisés et d’accord pour entrer dans le projet »,soulignent les auteurs.« Ce qu’on gagne avec le projet, c’est de se prendre en main. Si on ne mobilise pas notre population, on ne bougera pas d’un iota. Ce n’est pas l’État qui nous sortira de là. C’est la population locale !» témoigne un élu local.
La démarche repose sur un triple constat. Personne n’est inemployable. Les personnes privées d’emploi possèdent des savoir-faire et des compétences. Le travail ne manque pas. L’argent ne manque pas puisque chaque année le chômage de longue durée entraîne de nombreuses dépenses et manques à gagner financés par la collectivité. Une étude ATD Quart Monde réalisée en 2017 estimait entre 16 000 et 19 000 euros le coût annuel d’un chômeur de longue durée.  Le retour au travail est donc également bénéfique pour les finances publiques.
Concrétement, des entreprises à but d’emploi (EBE) embauchent sur la base du volontariat des chômeurs de longue durée en CDI, au SMIC et à temps choisi, afin de réaliser des travaux utiles localement mais qui ne sont pas réalisées par les entreprises privées car elles ne les estiment pas rentables. Les EBE sont financées pour l’essentiel par la réaffectation des coûts et des manques à gagner liés à la privatisation durable d’emploi.
Le projet « Zéro Chômeur » démontre qu’il est possible de combattre le chômage et de changer les mentalités à condition d’unir les hommes et les femmes de bonne volonté d’un territoire et de faire preuve d’originalité tout en collant aux réalités du terrain.