« Luc Ferry, a publié le 1er Avril dans Le Figaro une chronique intitulée « Mai 68 à l’envers ». Cette phrase a relevé toute mon attention: « Le travail est l’indispensable complément de la vie privée. S’il est parfois fastidieux, voire pénible, il reste malgré tout le principal vecteur d’une socialisation que le télétravail ne saurait remplacer.» Assurément, je partage cette observation. 

Une étude de la Dares de 2017 montrait que seuls 3% des salariés pratiquaient occasionnellement le télétravail. Un sondage Odoxa paru jeudi 9 avril, annonçait qu’actuellement, autour d’un quart de la population « active » française serait en télétravail. En ce qui concerne les franciliens, le pourcentage est lui de 40%. Chiffre en phase avec les analyses du ministère du Travail, puisque selon le ministère, près de 4 emplois sur 10 sont en effet compatibles avec le télétravail…. Enfin, l’Association nationale des DRH (ANDRH) estime que 95% des organisations ont actuellement recours au télétravail.

Edouard Philippe a annoncé que le télétravail serait encore à privilégier après le 11 mai. Ainsi soit-il.

Ce confinement (et par conséquent cette forte tendance au télétravail) qu’il nous faut impérativement respecter redistribue donc un jeu que certains découvrent comme une merveille absolue. Mais ne nous y trompons pas, ce « Nouvel Eldorado» dans la manière de travailler pour certains ne peut, et ne doit pas réinventer brutalement les us et coutumes dont les bases sont en ancrées par la présence dans l’entreprise.

Notre pays découvre, contraint et forcé, et de façon bien trop soudaine ce mode de travail. Et si l’une des forces de notre pays est de savoir s’adapter, nous n’y étions pas préparés.  C’est bien cet aspect soudain qui soulève des questions et peut-être nous bouscule dans nos certitudes.

Si nous devions pour des raisons écologiques, sociétales, économiques, culturelles tendre vers un télétravail plus généralisé, il s’agirait d’en dessiner un cadre qui convienne à la bonne marche et l’efficience de nos activités.

En avions-nous rêvé ? Certainement !

Le télétravail est possiblement à ranger dans la liste de nos envies, voire de nos fantasmes. Mais ne nous y trompons pas, certains ont l’impression de travailler trois fois plus. D’autres y trouvent leur équilibre…

Si travailler en jogging présente certains avantages, que le fait de pouvoir partager le gouter avec ses enfants lors d’une pause ou même de pouvoir caresser son chat alors que votre chef vous félicite devant vos collègues en « confcall » pour votre dossier solidement monté, peut être vraiment agréable… Rien ne remplacera la socialisation du travail. Les liens fort et constructifs, l’énergie que peut dégager un groupe de travail qui, peut-être presque de façon animale, embarque la tribu vers le meilleurs pour le groupe.

Le repli sur soi n’a jamais été salvateur.

Alors prenons ce qu’il y a de bon, prenons même le meilleur que nous pouvons prendre de cette période, mais ne nous y trompons pas. L’univers du travail restera un élément essentiel dans nos constructions. Cependant, nous serons légitimes une fois cette période si difficile passée de nous poser la question : Et si le bienfondé du télétravail n’était qu’une question de juste équilibre ?

Et quid de la déconnexion ? N’est-il pas plus difficile de se déconnecter lorsque nous sommes en télétravail ?

Parfois contraignant, le trajet entre sa vie privée et sa vie professionnelle est pourtant considéré comme un sas, un moment précieux rien qu’à soi qui nous permet de nous recentrer, de nous rendre disponible avant de rentrer dans son foyer ou à l’inverse de se concentrer pour une journée de travail.

Cette étape essentielle d’un point de vue psychologique est par définition bien complexe à mettre en oeuvre dans le cadre du télétravail.

La barre et la vigie sont les deux postes déterminants. Tous les chefs d’entreprises se doivent d’observer toutes formes de signaux, aussi faibles soient-ils. Nous ne pouvons ignorer les nouvelles formes de travail qui naitront de cette crise sanitaire, et devons partager nos doutes et nos certitudes pour cette nouvelle ère.

En attendant… restez chez vous !